dimanche 14 juin 2015

lecture analytique : L'ingénu;chapitre 5, Voltaire

Eh ! mon Dieu ! mon neveu, que me dites-vous là ? Vous aimez donc cette belle demoiselle à la folie ? — Oui, mon oncle. — Hélas ! mon neveu, il est impossible que vous l’épousiez. — Cela est très-possible, mon oncle ; car non-seulement elle m’a serré la main en me quittant, mais elle m’a promis qu’elle me demanderait en mariage ; et assurément je l’épouserai. Cela est impossible, vous dis-je ; elle est votre marraine : c’est un péché épouvantable à une marraine de serrer la main de son filleul ; il n’est pas permis d’épouser sa marraine ; les lois divines et humaines s’y opposent. Morbleu ! mon oncle, vous vous moquez de moi ; pourquoi serait-il défendu d’épouser sa marraine, quand elle est jeune et jolie ? Je n’ai point vu dans le livre que vous m’avez donné qu’il fût mal d’épouser les filles qui ont aidé les gens à être baptisés. Je m’aperçois tous les jours qu’on fait ici une infinité de choses qui ne sont point dans votre livre, et qu’on n’y fait rien de tout ce qu’il dit : je vous avoue que cela m’étonne et me fâche. Si on me prive de la belle Saint-Yves, sous prétexte de mon baptême, je vous avertis que je l’enlève, et que je me débaptise. »
Le prieur fut confondu ; sa sœur pleura. « Mon cher frère, dit-elle, il ne faut pas que notre neveu se damne ; notre saint-père le pape peut lui donner dispense, et alors il pourra être chrétiennement heureux avec ce qu’il aime. » L’Ingénu embrassa sa tante. « Quel est donc, dit-il, cet homme charmant qui favorise avec tant de bonté les garçons et les filles dans leurs amours ? Je veux lui aller parler tout à l’heure. »
On lui expliqua ce que c’était que le pape ; et l’Ingénu fut encore plus étonné qu’auparavant. « Il n’y a pas un mot de tout cela dans votre livre, mon cher oncle ; j’ai voyagé, je connais la mer ; nous sommes ici sur la côte de l’Océan ; et je quitterais Mlle de Saint-Yves pour aller demander la permission de l’aimer à un homme qui demeure vers la Méditerranée, à quatre cents lieues d’ici, et dont je n’entends point la langue ! Cela est d’un ridicule incompréhensible. Je vais sur-le-champ chez M. l’abbé de Saint-Yves, qui ne demeure qu’à une lieue de vous, et je vous réponds que j’épouserai ma maîtresse dans la journée. »
Comme il parlait encore, entra le bailli, qui, selon sa coutume, lui demanda où il allait. « Je vais me marier », dit l’Ingénu en courant ; et au bout d’un quart d’heure il était déjà chez sa belle et chère basse-brette, qui dormait encore. « Ah ! mon frère ! disait Mlle de Kerkabon au prieur, jamais vous ne ferez un sous-diacre de notre neveu. »


Eléments de l'introduction :
antécédent du texte : L'ingénu est un homme venant des Amériques. Il trouve en Bretagne de la famille qui le fait baptiser. IL tombe amoureux de sa marraine et veut l'épouser. Dans cet extrait, il débat du fait qu'il ne peut pas l'épouser religieusement, avec son prêtre d'oncle et sa tante.


I) Une scène de conflit comique :
symétrie entre les discours de l'Ingénu et de son oncle, autour du mariage. Ils sont d'avis opposé sur ce thème.
alternance d'affirmations et de négations, les 2 personnages sont en conflit pour savoir lequel a raison sur le droit ou pas d'épouser Mlle de Saint-Yves, la marraine de l'Ingénu.
exagération :donne un ton comique au fait que le prêtre n'a plus d'arguments et que la tante pense que son neveu va aller en prison, aux enfers.
futur de certitude : L'Ingénu relance le conflit en affirmant son mariage.
mouvement comique : L'ingénu n'a pas été convaincu par le prêtre, il change de lieu rapidement dans le but d'épouser sa bien-aimée.
exagération comique : la tante veut que son neveu se marie chrétiennement dans le but d'en faire un SOUS-diacre, comique car c'est un poste religieux mais sans importance réelle.

II) Une réconciliation rapide du conflit et éphémère :
la tante donne une solution au problème, aller voir le pape, l'Ingénu trouve cette solution excellente jusqu'à qu'on lui apprenne le rôle du pape.

III) L'opposition religion-amour :
- allitération : l'amour est associé à la nature, aux pulsions naturelles
- la religion est associée aux conventions et non pas à Dieu.
- lien logique : l'Ingénu argumente logiquement sur la suprématie de l'amour.
- absence de ponctuation et de lien logique :le prêtre n'a pas d’arguments valable à par le fait que l'amour du huron ( l'ingénu ) est sa marraine.
- champ lexical de la religion; le prêtre n'a pas d'autres explications que des immatérielles pour expliqué l'impossibilité du mariage.
-mélange du religieux et du profane : l'ingénu n'a que faire du religieux, l'amour est plus fort que tout à ses yeux.


IV) la naïveté de l'Ingénu pour montrer l'absurdité des conventions :
périphrases : la naïveté de l'Ingénu sur le rôle des marraines fait réfléchir sur leur importance et sur l'interdiction de les marier avec leur filleul. Celle sur la Bible désacralise ce livre pour le montrer comme un livre banal et non pas montrer un livre sacré par les conventions. Celle sur le pape désacralise la religion par l'association de la religion à l'amour.
On observes de nombreuses confrontations entre ce qui est écrit dans la Bible est ce que les yeux naïfs de l'ingénu voient. Cela montre l'absurdité de certaines pratiques et conventions.

V) la volonté d'immédiat de l'ingénu :
- L'Ingénu pense pouvoir parler au Pape tout de suite, il ne conçoit pas de parcourir la France et l'Italie pour le rencontrer.
- ponctuation forte : L'Ingénu ne voit pas l'intérêt de perdre du temps à faire intervenir un tiers dans ses affaires.
- L'ingénu veut toujours tout faire vite.


Aucun commentaire: