Lecture analytique : L'ingénu : extrait chapitre 9; Voltaire.

Enfin le patron parut. "Monsieur, lui dit l’Ingénu, si j’avais attendu pour repousser les Anglais aussi longtemps que vous m’avez fait attendre mon audience, ils ravageraient actuellement la Basse-Bretagne tout à leur aise." Ces paroles frappèrent le commis. Il dit enfin au Breton : "Que demandez-vous ? - Récompense, dit l’autre ; voici mes titres." Il lui étala tous ses certificats. Le commis lut, et lui dit que probablement on lui accorderait la permission d’acheter une lieutenance. "Moi ! que je donne de l’argent pour avoir repoussé les Anglais ? que je paye le droit de me faire tuer pour vous, pendant que vous donnez ici vos audiences tranquillement ? Je crois que vous voulez rire. Je veux une compagnie de cavalerie pour rien ; je veux que le roi fasse sortir mademoiselle de Saint-Yves du couvent,. et qu’il me la donne par mariage ; je veux parler au roi en faveur de cinquante mille familles que je prétends lui rendre. En un mot, je veux être utile ; qu’on m’emploie et qu’on m’avance.

- Comment vous nommez-vous, monsieur ; qui parlez si haut ? - Oh ! oh ! reprit l’Ingénu, vous n’avez donc pas lu mes certificats ? C’est donc ainsi qu’on en use ? Je m’appelle Hercule de Kerkabon ; je suis baptisé, je loge au Cadran bleu, et je me plaindrai de vous au roi." Le commis conclut comme les gens de Saumur, qu’il n’avait pas la tête bien saine, et n’y fit pas grande attention.

Ce même jour, le révérend père La Chaise, confesseur de Louis XIV, avait reçu la lettre de son espion, qui accusait le Breton Kerkabon de favoriser dans son cœur les huguenots, et de condamner la conduite des jésuites. Monsieur de Louvois, de son côté, avait reçu une lettre de l’interrogant bailli, qui dépeignait l’Ingénu comme un garnement qui voulait brûler les couvents et enlever les filles.

Eléments de l'introduction :

antécédent du texte : l'Ingénu part à Paris pour rencontrer le roi et être récompensé après avoir repoussé les anglais. En route, il s'est arrêté et a rencontré des protestants persécutés. Il a été vu dans le chapitre précédent par un espion du père Lachaise entrain de leur parler et de les comprendre. On se doute qu'il va être arrêté.

- le siècle des lumières : un siècle de dénonciation de la politique et de la religion, que l'on retrouve dans cet extrait.

I) la incompréhension de l'Ingénu pour dénoncer :

- ironie : montre la colère de l'Ingénu sur son attente, il est naïf et croit que la bureaucratie est compétente.

- anaphore : montre l'incompréhension de l'Ingénu sur la hiérarchie sociale et la dénonce en même temps.

- ponctuation forte : montre l'incompréhension de l'Ingénu sur les sujets précédents.

II) Le discours de l'Ingénu, inapproprié pour montrer sa naïveté et montrer que ce qu'il dénonce est une chose de naturelle à dénoncer; pour montrer qu'il est dans son droit :

- phrase nominale : L'ingénu a un sentiment de supériorité suite à ce qu'il a fait.

- anaphore et impératif : L'Ingénu se croit au dessus de la hiérarchie, il veut sa récompense.

- répétition du "je" ( 13 fois dans le texte) : L'ingénu se sent supérieur et veut être récompensé par le roi en personne car il pense que c'est la seule personne qui le vaut.

- discours direct : L'Ingénu énonce librement ce qu'il pense être ses droits car il se pense supérieur. A cause de cela, les autres le prennent pour un fou et un ennemi de la nation. Il ne fait pourtant que réclamer ce qui dans un monde juste devrait lui appartenir, la reconnaissance du roi pour avoir repoussé une armée entière à lui tout seul ( à compter qu'il y ait un roi dans un monde juste bien sur mais la nous partons sur de la phylo :) ).

- accumulation : totalement inutile, elle montre le ridicule de l'Ingénu et au yeux des autres personnages, le fait passer pour un  fou, car il vient d'être menacé et ne s'en rend pas compte.

III) le discours du commis, plus sûr que celui de l'Ingénu, et même totalement opposé :
- discours indirect : Le commis n'est que le porte-parole de ses supérieurs, il n'a aucun pouvoir,  Il se réfugie derrière son bureau et ne s'avance pas. Il connait les usages et ne veut pas aller en prison.
- une phrase de discours directe ( c'est une périphrase ): montre le moment ou le commis se sent offensé car l'Ingénu ne connait rien aux usages. Il le dégrade, le remet à sa place sociale et le menace implicitement.


IV) le rôle de la narration :
exagération : On nous annonce que le Bailli a déformé les propos de l'Ingénu afin de le faire emprisonner car il sait que les lettres de cachet peuvent être envoyée juste avec une rumeur et envoient quelqu'un en prison. L'ingénu est injustement dénoncé; de plus il va aller en prison pour une rumeur religieuse ( dénonciation de ce rapport religion/pouvoir).
dégradation : montre l'absurdité de la hiérarchie, alors que l'Ingénu devait parler à un homme important, il parle à un sous-fifre.